Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     PEINE     
FEW IX poena
PEINE, subst. fém.
[DÉCT : peine ]

A. -

"Châtiment, sanction" : Monseigneur l'official (...) luy fist les defenses, sur les peines du canon, que plus ne se desguisast en telle maniere [D'un prêtre excentrique] (C.N.N., c.1456-1467, 530).

 

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En peine de. "Sous une astreinte de" : Mais il n'en diroit mot si les dictes parties ne se soubzmettoient, en peine de dix nobles, que de tenir ce qu'il en diroit [Un arbitre a trouvé une solution à un conflit] (C.N.N., c.1456-1467, 393).

 

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P. ext. "Corvée" : ...jasoit que de ceste plaisante peine aucunes foiz se fust tresbien passée, pour obeir comme elle devoit a son mary, jamais ne fut rebourse a l'esperon. [Cont. érotique] (C.N.N., c.1456-1467, 88). ...c'estoit sa chambriere qui de thamis jouoit ; si s'advisa qu'elle n'aroit pas seule ceste peine, mais luy vouldroit aider (C.N.N., c.1456-1467, 117).

B. -

"Difficulté (pouvant entraîner la souffrance)"

 

1.

"Difficulté"

 

a)

À quelque peine : ...quand il [le coffre] fut wide, madamoiselle et ses femmes a quelque peine firent tant que monseigneur fut dedans tout a son aise. (C.N.N., c.1456-1467, 185). ...a quelque peine que ce fut, la façon fut trouvée par la prudence et subtilité du cyrurgien (C.N.N., c.1456-1467, 504).

 

b)

À grand peine : A grand peine disoit il le mot ; toutesfoiz il dist qu'il luy pardonnoit (C.N.N., c.1456-1467, 400). Le bon chevalier, qui a ceste heure ne dormoit mie, se tenoit a grand peine de rire. (C.N.N., c.1456-1467, 456). ...le clerc (...) la trouva si foible que a grand peine povoit elle aller par la maison. (C.N.N., c.1456-1467, 577).

 

c)

Avoir de la peine à + inf. "Éprouver des difficultés à" : ...quand il [le houseau] fut environ a moitié, a quoy faire elle eut moult de peine, pour ce que tout au propos le tira de mauvais bihès, elle part (C.N.N., c.1456-1467, 157).

 

d)

Faire de la peine à qqn de + inf. "Lui causer des difficultés pour" : C'est a ce paillard chien, madame, qui m'a fait tant de peine de le querir ; il s'estoit bouté soubz un banc (C.N.N., c.1456-1467, 196).

 

e)

À peine

 

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[Exprimant la difficulté de l'action accomplie] "Au prix de grandes difficultés" : ...il fut si honteux que a peine savoit il tenir sa maniere (C.N.N., c.1456-1467, 371). ...tant grand faim avoit de rire que a peine il savoit parler. (C.N.N., c.1456-1467, 457).

 

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P. ext. [Exprimant le fait que l'actant est à la limite de l'accomplissement ou du non accomplissement de l'action]

 

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[Empl. en fonction d'adv.] À peine. "Presque" : ...la femme estoit tant luxurieuse (...) que a paine estoit elle contente qu'on la cuignast en plaines rues avant qu'elle ne le fust. [Elle n'est pas loin d'accepter...] (C.N.N., c.1456-1467, 518). ...en mon fait n'a que ung remede. Ei [l. Et] j'aymeroie a peine autant a morir que le deceler. (C.N.N., c.1456-1467, 536).

 

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Sans à peine. "Presque sans" : Quand le vaillant hommes d'armes sceut l'Escossois enseur de luy, ainsi effrayé qu'il estoit, sans a peine savoir parler, sault de son pavillon (C.N.N., c.1456-1467, 51).

 

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À peine (si). "C'est tout juste si" : Elle, tant marye qu'on ne pourroit plus, a peine s'elle daignoit respondre. (C.N.N., c.1456-1467, 410). La mere, oyant ces responses, plus marrye que devant, combien que a peine le vouloit elle croire, demanda a [sa] fille s'il estoit vray ce que son mary avoit respondu. (C.N.N., c.1456-1467, 500).

 

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À peine que ... ne. "C'est tout juste si ... ne pas" : ...Dieu scet comment monseigneur l'official fut malcontent. A peine qu'il ne saillit de son siege hors du sens, quand il regardoit son curé estre habillé en guise de mommeur. (C.N.N., c.1456-1467, 532). ...la simplette, qui toute pitié en avoit, a peine que les larmes ne luy sailloient des yeulx, le confortoit (C.N.N., c.1456-1467, 535).

 

2.

"Souffrance (physique et/ou morale)" : ...passerent tant d'heures a quelque peine que ce fust [Un malade attend le médecin] (C.N.N., c.1456-1467, 34). ...il me fault paier la cotte simple de satin ! Et vrayement je ne puis a mains que d'avoir les chemises de la gaigeure, en recompensacion de la peine qu'on m'a fait ! [Les suites d'un pari] (C.N.N., c.1456-1467, 189). ...le mary, qui se voit ainsi deceu, estoit tout esprins d'ire et de maltalent, qui encores luy redoubloit sa peine (C.N.N., c.1456-1467, 218). ...ilz passerent maintes nuiz, a Dieu scet quelle peine, maudisans puis Fortune, puis Amours, et tressouvent leurs dames (C.N.N., c.1456-1467, 362).

 

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La peine de qqc. "La souffrance qui résulte de cette chose" : ...la cause qui a ce faire le mouvoit estoit affin que madame ne desire pas tant l'assault amoureux, pour la peine et empeschement de ce jaserant. [Un mari exige que sa femme revête un jaserant pour faire l'amour] (C.N.N., c.1456-1467, 279).

 

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[Empl. conjoint d'autres termes de sens analogue et, en gén., plus concr.]

 

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Malaise : ...avant qu'elle en peust oyr nouvelle ce ne fut pas sans avoir peine et du malaise largement. (C.N.N., c.1456-1467, 69).

 

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Meschef : ...vous nous avez fait et faictes tousjours tant de peine et de meschef que nous vous avons gardé ceste pensée (C.N.N., c.1456-1467, 189).

 

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Patience : ...ce luy est une grant peine et une bien meritoire pacience. (C.N.N., c.1456-1467, 219).

 

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Destourbier : ...venir en voz hostelz querir leur disme, ce leur seroit trop grand peine et trop grand destourbier (C.N.N., c.1456-1467, 224).

 

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Travail/travaux : ...il se povoit vanter d'en avoir autant obtenu, sans faire gueres grand queste ne poursuite, que celuy qui mainte peine et foison de travaulx en soustint. (C.N.N., c.1456-1467, 228). ...en pou de jours, après maintes peines et travaulx, tant fist qu'il se trouva a Romme (C.N.N., c.1456-1467, 285).

 

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Diligence : ...je vous asseure que je mectray peine et diligence de trouver ce qui y servira. (C.N.N., c.1456-1467, 536).

 

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Sueur : ...tes comblés thesors sont bien vains, lesquelx soubz perilleuses adventures, en peines dures et sueurs, as amassé (C.N.N., c.1456-1467, 555).

 

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[Plusieurs termes] : O chetif homme, plus que tous aultres recreant et las, par les veilles, peines, labours et ententes que tu as prins et porté (C.N.N., c.1456-1467, 555).

C. -

"Effort" : C'est bien loing de recognoistre ma peine, comme ung bon mary doit faire a sa bonne preude femme. [Un mari reproche à sa femme d'avoir acquis trop de biens en son absence] (C.N.N., c.1456-1467, 463).

 

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Mettre peine de + inf. "S'efforcer de" : ...[elle] fait habiller incontinent son escuier, qui mett [l. met] peine de soy avancer le plus qu'il peut (C.N.N., c.1456-1467, 112). ...[ils] l'emmenerent a force hors de son hostel, et misrent peine de le rappaiser le mieulx qu'ilz sceurent (C.N.N., c.1456-1467, 263). ...s'il estoit venu tard, il met peine d'aconsuyvir ceulx qui le mieulx avoient viandé. [À un repas] (C.N.N., c.1456-1467, 403).

 

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Mettre peine de + inf./de qqc. "S'efforcer de, en faisant appel à cette chose" : ...[la meunière] mettoit tresgrand peine du peu de sens qu'elle avoit de souffisanment mercier monseigneur. (C.N.N., c.1456-1467, 40).

 

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Mettre peine à qqc. "S'efforcer d'obtenir cette chose" : ...elle demoura en chemin, sans se povoir ravoir, ne monter, ne avaler, quelque peine qu'elle y mist (C.N.N., c.1456-1467, 275).

 

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Prendre la peine de + inf. "Faire un effort (pénible) pour" : ...je feray voluntiers finance de la toille ; et vous, mesdamoiselles, qui tant bien procurez pour luy, vous prendrez bien la peine de les coudre [chemises] (C.N.N., c.1456-1467, 189). ...il doit bien souffire s'ilz prenent la peine de le recevoir [le disme en leur couvent]. (C.N.N., c.1456-1467, 224).

 

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Prendre peine de qqc. "Faire un effort en vue de cette chose" : Je suis assez bien, Dieu mercy et la vostre, qui en avez prins tant de peine [Un malade bien soigné par sa femme] (C.N.N., c.1456-1467, 366).

 

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Faire qqc. de sa peine. "Ne pas ménager ses efforts pour" : ...je vous feray de ma peine telle courtoisie, si vous vous voulez mettre en mes mains, que par droit vous en devrez estre content. [Le médecin à un malade] (C.N.N., c.1456-1467, 404).

 

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Perdre sa peine. "Faire un effort inutile" : Dist au surplus qu'il n'avoit pas perdue sa peine, et qu'il obtendroit ce dont il l'avoit requis. [Le diable à celui qui lui a fait une offrande] (C.N.N., c.1456-1467, 86). ...m'amye, vous perdés vostre peine, ce n'est pas chose a nettoyer si en haste. Vous n'y sariez faire chose maintenant qui valust rien. (C.N.N., c.1456-1467, 259).

 

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C'est peine perdue : Consydera aussi de la battre ou injurier de parolles que c'estoit peine perdue (C.N.N., c.1456-1467, 419).
 

Cent Nouvelles Nouvelles Roger Dubuis


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